
Par Nadia ESSABAR pour GIL24, Essaouira, 15 mai 2025
Dans l’écrin du Bab Marrakech, témoin immuable de l’histoire d’Essaouira, s’est ouverte, ce mercredi 14 mai 2025, la troisième édition du Salon national de l’Expressionnisme linéaire, sous la direction de l’artiste plasticien et écrivain marocain Afif Bennani. Cet événement, qui réunit 32 créateurs venus des quatre coins du Maroc, aux côtés d’artistes de France et du Japon, transcende le simple cadre d’une exposition pour devenir une toile vivante, imprégnée de l’âme du lieu. Ici, les fils du patrimoine s’entrelacent avec l’audace de la modernité, dans un espace vibrant de mémoire et d’identité marocaine.
Bab Marrakech : là où l’histoire danse avec la création
Le choix du Bab Marrakech, cette porte séculaire érigée au XVIIIe siècle pour protéger la médina d’Essaouira, n’a rien d’anodin. Ce bastion, dont l’architecture mêle la rigueur militaire portugaise à la douceur des ornements andalous, est bien plus qu’un monument : c’est un conteur silencieux des récits de la ville, ce port ouvert sur le monde. D’une forteresse défensive, cet espace s’est métamorphosé en scène culturelle, accueillant la création et devenant un carrefour des époques : un passé qui murmure ses histoires et un présent qui sculpte ses visions. Comme le souligne Afif Bennani : « Bab Marrakech n’est pas une simple toile de fond, c’est un complice de la création, qui chuchote à l’artiste les secrets du lieu et attise son imagination. »
Ce salon, organisé par l’Association nationale des peintres et photographes en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, l’association Essaouira Mogador et le conseil communal de la ville, se prolonge jusqu’au 18 mai. Il s’inscrit dans une ambition de faire des espaces patrimoniaux des catalyseurs de l’art, où la pierre devient toile et l’histoire une source d’inspiration.

L’Expressionnisme linéaire : une symphonie de lignes et d’identité
Au cœur de ce salon, l’Expressionnisme linéaire, courant marocain contemporain, célèbre la ligne comme un langage visuel unique. Les traits répétés se transforment en mélodies visibles, dansant au rythme de la mémoire collective, évoquant l’esprit du zellige, des motifs berbères et de la calligraphie arabe, mais avec une touche de modernité audacieuse. Chaque œuvre est une méditation, une invitation à plonger dans les pulsations de l’âme marocaine, où le patrimoine dialogue avec l’expérimentation, le local avec l’universel.
Les œuvres exposées offrent une mosaïque d’approches : des toiles abstraites où les lignes ondulent comme les vagues de l’Atlantique voisin, d’autres mêlant réalisme et symbolisme pour esquisser des silhouettes humaines ou des scènes urbaines, jusqu’à des installations audacieuses jouant avec la lumière et les ombres des remparts. Ces créations, suspendues sous les voûtes ou adossées aux murs séculaires, semblent prolonger le grain de la pierre, leurs lignes s’entremêlant aux fissures du temps dans un dialogue silencieux et poignant.
Un programme vibrant de réflexion et d’échange
L’exposition ne se limite pas aux œuvres : elle s’étend à des espaces de pensée et de dialogue. Aujourd’hui, jeudi 15 mai, la Maison de la Mémoire d’Essaouira accueille une conférence intitulée « Renouveau plastique et transformations culturelles », réunissant critiques, universitaires et artistes pour explorer les croisements entre l’art contemporain, la technologie et le patrimoine. Demain, vendredi 16 mai, Afif Bennani animera une rencontre ouverte avec le public, partageant sa vision de l’Expressionnisme linéaire et son rôle dans la réinvention de la scène artistique marocaine. Ces événements ne sont pas de simples ajouts, mais des ponts reliant l’œuvre d’art à la société, faisant de ce salon une expérience vivante et multidimensionnelle.

Bab Marrakech : de la forteresse au sanctuaire de l’art
Bab Marrakech, gardien du sud-ouest de la médina, est bien plus qu’une porte. Construit au XVIIIe siècle pour repousser les assauts maritimes et terrestres, il incarne la résilience et l’ouverture d’Essaouira. Ses murs, caressés par le sel marin et les vents, portent les traces des influences portugaises et andalouses qui ont façonné la ville. Depuis quelques années, ce bastion s’est transformé en espace culturel, accueillant expositions et festivals. En abritant le 3e Salon national de l’Expressionnisme linéaire, il réaffirme son rôle de trait d’union entre les époques, où la pierre devient une toile et l’histoire une muse.
Les œuvres, disposées avec soin sous les voûtes et dans l’étreinte des murs, semblent faire corps avec le lieu. La lumière, filtrée par les ouvertures du bastion, sculpte les lignes des toiles, leur insufflant une vie nouvelle, tandis que les ombres des remparts orchestrent une danse visuelle avec les tableaux. Comme le décrit un visiteur : « Les lignes des œuvres semblent jaillir des fissures de la pierre, comme si l’art et l’histoire respiraient à l’unisson. »
Un hymne à la mémoire et à la création
En déambulant parmi les œuvres, le visiteur ressent la présence du lieu et l’âme de l’art s’entrelacer. L’Expressionnisme linéaire, avec sa rigueur libre, trouve au Bab Marrakech un écho idéal : les lignes des toiles répondent aux strates de l’histoire, aux sillons gravés par le temps dans la pierre. Ce salon, porté par la vision d’Afif Bennani et la ferveur des artistes participants, est une ode à l’identité marocaine, un manifeste visuel qui refuse l’oubli et embrasse l’avenir.
Alors que le soleil se couche, drapant le Bab Marrakech d’une lumière dorée, les visiteurs affluent, captivés par cette alchimie unique entre patrimoine et création. Le 3e Salon national de l’Expressionnisme linéaire n’est pas une simple exposition ; c’est une invitation à contempler, à réfléchir et à rêver la culture marocaine dans toute sa profondeur et sa modernité. Une expérience à ne pas manquer, jusqu’au 18 mai, sous l’ombre immortelle des remparts d’Essaouira.
Soyez le premier à commenter