
Dans une nouvelle action syndicale, des dizaines de travailleurs de la centrale thermique (tranche 4) de Jerada se sont rassemblés, mercredi 7 mai 2025, devant le siège de la wilaya de la région de l’Oriental à Oujda, pour exiger leurs droits en suspens. La marche, organisée par la coordination syndicale tripartite composée de l’Union marocaine du travail (UMT), de la Confédération démocratique du travail (CDT) et du Syndicat national des travailleurs de l’énergie (SPS), est partie de la ville de Jerada sous forme d’un convoi de voitures, pour culminer en une manifestation devant la wilaya, exprimant le refus des travailleurs de voir leurs revendications fondamentales, en tête desquelles une augmentation des salaires, ignorées.
Contexte de la protestation : une lutte continue face à l’indifférence des autorités
Cette escalade syndicale intervient après une longue série d’actions de protestation menées par les travailleurs au cours des derniers mois, incluant un sit-in de 26 jours à l’intérieur de la centrale thermique de Jerada. Malgré des négociations marathoniennes avec les autorités locales, l’entreprise chinoise exploitant la centrale et la société de sous-traitance responsable du versement des salaires, les résultats n’ont pas été à la hauteur des aspirations des travailleurs. Leur principale revendication est d’obtenir une égalité salariale avec les travailleurs des centrales thermiques de production d’électricité à Ouarzazate et Jorf Lasfar, où les salaires sont nettement plus élevés pour des tâches et des conditions de travail similaires.
Selon un rapport publié par le Syndicat national des travailleurs de l’énergie en 2024, les salaires des travailleurs de la centrale thermique de Jerada oscillent entre 4 000 et 6 000 dirhams par mois, tandis que ceux des travailleurs des centrales similaires dans d’autres régions atteignent 8 000 dirhams ou plus, avec des avantages supplémentaires tels que l’assurance maladie et des primes. Cette disparité, qualifiée par les travailleurs de « discrimination injustifiée », a suscité un mécontentement généralisé, d’autant plus dans le contexte économique difficile de Jerada, qui souffre des répercussions de la fermeture des mines de charbon dans les années 1990.
Déclarations syndicales : une situation exceptionnelle et un déni de responsabilités
Dans son discours de clôture devant la wilaya de l’Oriental, El Houssein Karmat, secrétaire local des syndicats de Jerada, a décrit la situation actuelle comme « exceptionnelle », soulignant que toutes les parties concernées – qu’il s’agisse de la région, propriétaire du projet, de l’entreprise chinoise ou de la société de sous-traitance – se dérobent à leurs responsabilités. « Ce déni est à l’origine de la tension sociale actuelle, dont l’intensité risque de croître si des mesures urgentes ne sont pas prises », a-t-il déclaré. Il a ajouté que les travailleurs restent ouverts à toutes les initiatives visant à résoudre la crise, tout en avertissant que la coordination syndicale prévoit d’organiser un convoi régional vers Jerada comme nouvelle forme de protestation si leurs revendications continuent d’être ignorées.
Ces actions s’inscrivent dans un contexte social tendu à Jerada, qui a connu en 2017 et 2018 des manifestations populaires massives, connues sous le nom de « Hirak de Jerada », après la mort de deux jeunes dans une mine artisanale. Ces événements ont mis en lumière la marginalisation économique dont souffre la ville, poussant le gouvernement à lancer des projets de développement, dont la centrale thermique. Cependant, les travailleurs estiment que ces projets n’ont pas réalisé la justice sociale escomptée, mais ont au contraire renforcé leur sentiment d’exclusion en raison des disparités salariales et des conditions de travail inadéquates.
Rôle de l’entreprise chinoise et des sociétés de sous-traitance : une controverse persistante
L’entreprise chinoise exploitant la centrale thermique de Jerada, qui gère le projet en partenariat avec l’État marocain, est au centre de la controverse. Les travailleurs accusent l’entreprise de ne pas respecter les normes du travail décent, notamment en matière de salaires équitables et de conditions de travail sécurisées. Des accusations similaires visent la société de sous-traitance, responsable du versement des salaires, les travailleurs se plaignant de retards dans les paiements et d’un manque de transparence dans la gestion des contrats.
Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 2023, les projets énergétiques au Maroc, y compris ceux gérés par des entreprises étrangères, font face à des défis majeurs liés à la sous-traitance, qui conduit souvent à une baisse des salaires et à une absence de protection sociale pour les travailleurs. Cette situation s’applique clairement aux travailleurs de la centrale thermique de Jerada, qui exigent l’abolition du système de sous-traitance et la régularisation directe de leur situation professionnelle avec l’entreprise exploitante.
Revendications des travailleurs : justice salariale et protection sociale
Les revendications des travailleurs ne se limitent pas à une augmentation des salaires, mais incluent également l’amélioration des conditions de travail, la fourniture d’une assurance maladie et la garantie d’une stabilité professionnelle les protégeant des licenciements arbitraires. Les travailleurs estiment que leur rôle dans la production d’énergie électrique, un secteur vital pour l’économie nationale, mérite une reconnaissance accrue de la part de l’État et des entreprises exploitantes. Dans ce contexte, la coordination syndicale a appelé à l’ouverture d’un dialogue national sur les politiques énergétiques et du travail, garantissant la participation des syndicats à l’élaboration de contrats de travail équitables.
Conclusion : un cri pour la justice sociale
Les protestations des travailleurs de la centrale thermique de Jerada ne sont pas seulement une réaction aux disparités salariales, mais un cri contre la marginalisation économique et sociale dont souffre la ville depuis des décennies. Ces actions témoignent de la détermination des travailleurs à obtenir leurs droits dans des conditions de travail difficiles et face à l’indifférence répétée des parties responsables. Alors que la coordination syndicale menace d’intensifier les protestations, tous les regards se tournent vers les autorités locales et le gouvernement central pour une intervention urgente et l’ouverture d’un dialogue sérieux garantissant la justice sociale pour ces travailleurs, piliers essentiels du secteur énergétique marocain. Les parties concernées répondront-elles avant que la tension ne dégénère en une crise plus large ?
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