Les peines alternatives : un tournant décisif dans la politique pénale au Maroc

Rabat – 30 Avril 2025

Le Premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohammed Abdennabaoui, a affirmé, mercredi 30 avril 2025 à Rabat, que la loi relative aux peines alternatives constitue « une étape marquante dans l’évolution de la politique pénale au Maroc ». Cette déclaration a été faite lors d’une rencontre nationale de communication organisée par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire autour de la loi n° 43.22 relative aux peines alternatives.

Une nouvelle ère pour la politique pénale

À partir du 8 août 2025, date d’entrée en vigueur de cette loi, la politique pénale marocaine entamera une nouvelle phase, a souligné M. Abdennabaoui. Lors de cette rencontre, placée sous le thème « La justice au service de l’insertion : une lecture pratique des modalités de mise en œuvre des peines alternatives », il a mis en avant l’objectif de cette législation : renforcer la confiance en la justice, respecter la dignité humaine, améliorer les moyens juridiques de lutte contre la criminalité tout en favorisant la réinsertion des délinquants.

M. Abdennabaoui a retracé l’évolution historique des sanctions dans les législations et systèmes juridiques, soulignant que la perspective internationale a transformé la philosophie de la peine. Celle-ci ne se limite plus à la répression, mais vise désormais à réformer le comportement des délinquants pour faciliter leur réintégration dans la société. Il a noté que l’idée de réformer les détenus repose sur une philosophie d’insertion, permettant à la société de les accepter sans les stigmatiser, notamment grâce à l’apprentissage de compétences et de métiers.

Les contours de la nouvelle loi

La loi n° 43.22 définit les peines alternatives comme des sanctions prononcées en remplacement des peines privatives de liberté pour les délits passibles d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans. Elle identifie quatre catégories de peines alternatives :

  • Le travail d’intérêt général : des activités au service de la communauté, comme le nettoyage des espaces publics ou la contribution à des projets de développement.
  • La surveillance électronique : l’utilisation de bracelets électroniques pour suivre les déplacements des condamnés, en alternative à l’incarcération.
  • La restriction de certains droits ou l’imposition de mesures de contrôle, thérapeutiques ou de réhabilitation : telles que l’interdiction de voyager ou l’obligation de suivre des programmes de réinsertion.
  • L’amende journalière : le paiement d’une somme quotidienne basée sur les revenus du condamné.

L’objectif est d’obtenir des résultats similaires à ceux des peines privatives de liberté, tout en réduisant la pression sur les prisons marocaines, qui souffrent de surpopulation. Selon les statistiques, le Maroc compte plus de 80 000 détenus, dont la majorité sont condamnés pour des délits mineurs.

Une rencontre pour préparer la mise en œuvre

La rencontre a comporté deux sessions scientifiques axées sur le cadre conceptuel des peines alternatives, entre texte législatif et interprétation judiciaire, ainsi que sur les défis pratiques de leur mise en œuvre et la complémentarité des rôles institutionnels. Les participants, incluant des juges et des responsables du secteur judiciaire, ont discuté des moyens de garantir une application fluide de la loi. Ils ont insisté sur la nécessité de former les magistrats et les acteurs judiciaires aux mécanismes d’application, ainsi que de développer les infrastructures nécessaires, telles que les systèmes de surveillance électronique.

Défis et perspective

Bien que les peines alternatives constituent une réforme audacieuse alignée sur les normes internationales, leur mise en œuvre fait face à des défis. Tout d’abord, des investissements conséquents sont nécessaires pour développer les infrastructures, comme les technologies de surveillance électronique et les centres de réhabilitation. Ensuite, une résistance culturelle pourrait émerger, certains considérant les peines traditionnelles comme plus dissuasives, ce qui exige des campagnes de sensibilisation. Enfin, le succès de la loi dépendra d’une coordination étroite entre le pouvoir judiciaire, les administrations locales et la société civile pour assurer une réinsertion efficace.

Point de vue : Les peines alternatives offrent une opportunité unique de moderniser la politique pénale marocaine, mais leur succès repose sur une exécution rigoureuse. Les autorités doivent allouer des budgets suffisants, former les cadres judiciaires et administratifs, et impliquer la société dans les programmes de réinsertion. En ciblant les jeunes délinquants et les auteurs de délits mineurs, cette approche peut réduire la stigmatisation liée à l’incarcération et favoriser leur contribution positive à la société. Toutefois, des mécanismes de contrôle stricts sont nécessaires pour éviter tout laxisme ou abus, afin de préserver la confiance en la justice.

Conclusion

La loi sur les peines alternatives marque un tournant historique vers une politique pénale plus humaine et efficace au Maroc. Avec son entrée en vigueur, elle promet de transformer la gestion de la criminalité, à condition que les ressources et la coordination institutionnelle soient à la hauteur. Cette réforme n’est pas seulement un changement législatif, mais un investissement dans une société qui privilégie l’insertion à l’exclusion, plaçant la justice au service de l’humain et de l’équité.

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