
Rabat, 22 mai 2025
La communauté marocaine en Europe traverse une période de tension historique, marquée par les contradictions du système capitaliste impérialiste. Face à une montée de la xénophobie institutionnalisée, à l’érosion des droits sociaux et à la propagation d’un discours de haine sous couvert de sécurité nationale, les migrants marocains se retrouvent au cœur d’une lutte pour la reconnaissance de leurs droits et de leur dignité. Dans ce contexte, l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), à travers sa Commission Centrale pour l’Immigration et les Droits des Étrangers, organise un congrès intitulé « Le parcours des droits des migrants marocains en Europe : de la marginalisation structurelle à la rébellion politique ». Ce rendez-vous ambitionne de poser les bases d’un mouvement politique et social audacieux pour redéfinir la place des Marocains d’Europe.
Un contexte de marginalisation et d’exploitation
Le congrès met en lumière les dynamiques oppressives auxquelles fait face la communauté marocaine en Europe. Les politiques européennes, marquées par une montée de l’extrême droite et une instrumentalisation sécuritaire, relèguent les migrants au rang de boucs émissaires des crises économiques et sociales. Parallèlement, l’État marocain contribue à cette précarité en maintenant des structures de contrôle, qualifiées de « makhzéniennes », au sein de la diaspora. Ces mécanismes, souvent incarnés par des associations loyales au régime et des institutions religieuses officielles, visent à étouffer toute initiative indépendante au profit d’une logique de soumission et d’exploitation économique. Les transferts financiers des migrants, véritable manne pour l’économie marocaine, sont captés sans que ceux-ci ne bénéficient d’une réelle reconnaissance politique ou citoyenne.
Des objectifs pour un changement radical
Le congrès se fixe plusieurs ambitions majeures :
- Responsabiliser les systèmes : interroger les responsabilités historiques des États européens et marocain dans la marginalisation et l’appauvrissement symbolique et politique des migrants.
- Promouvoir un activisme de base : encourager une action politique indépendante, loin des associations opportunistes ou inféodées au pouvoir.
- Lier les luttes : connecter les combats des migrants à ceux menés au Maroc pour la justice sociale, en considérant ces luttes comme des facettes d’un même système oppressif.
- Renforcer la recherche critique : activer les centres d’études et de recherche, lorsqu’ils existent, pour produire des analyses au service des luttes, et non de leur instrumentalisation.
- Construire une alternative politique : ouvrir un débat sur la création d’un modèle organisationnel autonome, rompant avec les représentations formelles pour instaurer une participation politique effective.
Les axes de réflexion du congrès
- Les droits confisqués des diasporas
Les migrants marocains en Europe font face à un déni de libertés associatives et d’expression, couplé à une répression symbolique des initiatives indépendantes. Les femmes et les jeunes, en particulier, souffrent d’une précarité aggravée par la discrimination, le chômage et la violence symbolique. L’islamophobie institutionnalisée, loin d’être un simple dérapage populiste, s’impose comme une politique officielle dans plusieurs pays européens. - La religion comme outil de contrôle
L’instrumentalisation de l’islam par l’État marocain, en collusion avec des institutions religieuses européennes, vise à discipliner les communautés migrantes. L’islam, réduit à une identité négative, sert à justifier l’exclusion plutôt qu’à promouvoir la liberté et la pluralité. Le congrès appelle à démanteler les stéréotypes et à exiger une citoyenneté pleine et inconditionnelle. - Une double exploitation des migrants
L’État marocain tire profit des transferts financiers des migrants sans leur offrir de véritable représentation politique ou de consultation démocratique. Ce modèle autoritaire se reproduit en Europe à travers des associations affiliées aux partis au pouvoir et des réseaux de clientélisme diplomatique, marginalisant toute voix dissidente. - Vers une action politique alternative et radicale
Le congrès insiste sur la nécessité de lier les luttes des migrants à celles menées au Maroc pour la justice sociale et politique. La participation des diasporas doit être effective, fondée sur une auto-organisation et une prise de décision indépendante. Les deuxième et troisième générations, en particulier, doivent bénéficier d’un soutien culturel et politique pour dépasser les représentations symboliques. Par ailleurs, il est urgent d’activer les centres de recherche pour produire une connaissance critique au service des mouvements sociaux et syndicaux, et de transcender les plaintes purement juridiques pour construire des alternatives collectives et démocratiques.
Conclusion : une lutte pour la libération
Loin d’être une simple crise d’intégration, la situation des Marocains d’Europe reflète une crise systémique. Toute tentative d’isoler leurs combats de ceux menés au Maroc ne fait que servir les régimes oppressifs des deux côtés de la Méditerranée. La lutte pour les droits des migrants est indissociable de celle contre l’appauvrissement, la répression et la dépendance économique et politique. Ce congrès marque un tournant décisif : il appelle à reformuler le discours des droits des migrants pour en faire un discours de libération, radical et ancré dans la rue, loin des salons diplomatiques ou des bureaux des ambassades. La communauté marocaine en Europe, forte de son histoire et de ses aspirations, est appelée à transformer sa marginalisation en une rébellion politique porteuse d’espoir et de changement.
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