Réformes du Code de procédure pénale : l’autorisation de poursuite et le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption au cœur des débats à la Chambre des représentants

Rabat – 13 mai 2025 (GIL24 – MAP°
La commission de la justice, de la législation et des droits humains à la Chambre des représentants a tenu, ce mardi, une session décisive pour examiner le projet de loi n° 03.23 relatif au Code de procédure pénale, en présence du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. Les discussions ont porté sur des amendements majeurs concernant l’exclusivité de l’action publique par le parquet et l’élargissement du rôle des associations de la société civile dans le signalement des crimes de corruption, dans un contexte de vifs débats sur l’exigence d’une autorisation préalable pour engager des poursuites.

Monopole de l’action publique et conditions des poursuites

L’article 3 du projet de loi stipule que l’engagement et l’exercice de l’action publique relèvent exclusivement du parquet général. Il impose également que les poursuites pour les infractions liées aux deniers publics soient initiées uniquement sur requête du procureur général du Roi près la Cour de cassation, sur renvoi du Conseil supérieur des comptes, sur rapport des inspections générales des finances, de l’administration territoriale, des ministères concernés, ou encore sur saisine de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption. Cette orientation a suscité les critiques de l’opposition, qui y voit une restriction au droit de la société civile de signaler les actes de corruption, appelant à revenir aux dispositions antérieures permettant aux fonctionnaires compétents d’engager l’action publique.

Rôle des associations : polémique autour de l’autorisation de poursuite

L’article 7 a provoqué un débat houleux. Il autorise les associations reconnues d’utilité publique à se constituer partie civile, mais à condition d’obtenir une autorisation préalable de l’autorité gouvernementale chargée de la justice, selon des modalités fixées par un texte réglementaire. L’opposition a dénoncé cette condition comme une double entrave à l’efficacité des associations, exigeant la suppression de la mention « ayant obtenu une autorisation de poursuite ». Elle a estimé que cette exigence est contraire aux progrès juridiques et droits humains réalisés au Maroc, et qu’elle vide de leur substance le rôle des associations, affaiblissant ainsi leurs efforts dans la lutte contre la corruption.

Protection de la présomption d’innocence

Les groupes de la majorité ont proposé un amendement à l’article 15 visant à interdire la reconstitution ou la représentation d’un crime lors des enquêtes ou investigations, sous peine de nullité de la procédure. Ils ont argué que cette pratique porte atteinte à la présomption d’innocence en suggérant la culpabilité du suspect avant un jugement définitif. Le ministre de la Justice a rejeté cet amendement, expliquant que la reconstitution est effectuée dans l’intérêt de l’accusé, avec des garanties de protection de son identité.

Un débat parlementaire sans précédent

Dans une déclaration à l’Agence Maghreb Arabe Presse, le ministre de la Justice a souligné que la session a donné lieu à des discussions approfondies, notamment sur les articles 3, 7 et 20, avec l’approbation de plus de 200 amendements sur un total de 1380 proposés, un chiffre record reflétant l’importance de ce texte législatif. Il a ajouté que le projet sera transmis à la Chambre des conseillers dans une version consolidée, tandis que les discussions sur le Code de procédure civile débuteront prochainement.

De son côté, le président de la commission, Saïd Baaziz, a relevé que ce nombre élevé d’amendements constitue une première dans l’histoire législative, soulignant l’importance du texte comme fondement d’un procès équitable. Il a noté que les amendements visent à équilibrer le droit de l’État à sanctionner et la protection des droits et libertés des individus. Le gouvernement a partiellement répondu aux propositions, certaines formules ont été adoptées en commission, tandis que d’autres amendements ont été rejetés.

Appel à intégrer les recommandations constitutionnelles

Les discussions sur le projet de loi se poursuivent dans un contexte où des voix appellent à prendre en compte les recommandations des institutions constitutionnelles. Le Parlement cherche à adopter un texte renforçant la transparence et la lutte contre la corruption, tout en garantissant les droits des individus et l’équilibre entre les pouvoirs de l’État. La question demeure : ces amendements parviendront-ils à atteindre cet équilibre, ou les conditions d’autorisation préalable affaibliront-elles le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption ?

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