Le Lycée Omar Ibn Abdelaziz : 110 ans d’élitisme et de pluralisme

Le 1er octobre 1914, le Lycée des Garçons d’Oujda, devenu plus tard le Lycée Omar Ibn Abdelaziz, ouvrait ses portes pour devenir la première institution d’enseignement secondaire moderne au Maroc. Cent dix ans plus tard, cet établissement célèbre son héritage prestigieux en tant que berceau des élites culturelles et politiques, espace de pluralisme social et source de valeurs humaines. À travers une lecture de son histoire, nous pouvons comprendre comment cette institution a façonné une partie de l’identité nationale marocaine, transcendant son cadre colonial pour devenir un symbole d’excellence et de tolérance.

1. Les débuts : une fondation sous l’ère coloniale

Inauguré en 1914, dans le contexte de la colonisation française, le lycée était administrativement rattaché à l’Académie de Bordeaux, ce qui lui conférait dès l’origine un caractère élitiste. Qualifié de « lycée d’honneur » et de « lycée d’élite », il était le seul au Maroc à accueillir deux chaires académiques, une prouesse scientifique qui souligne son excellence académique. Ce lien avec le système français n’était pas seulement une formalité administrative, mais une stratégie pour former des élites locales capables d’interagir avec l’administration coloniale. Cependant, le lycée a rapidement dépassé ce rôle pour devenir un centre de renaissance nationale.

2. Le pluralisme social : un espace d’unité

L’une des caractéristiques majeures du Lycée Omar Ibn Abdelaziz était sa diversité sociale. Il accueillait des élèves de différentes religions (musulmans, chrétiens, juifs) et nationalités (Marocains, Algériens, Français), ce qui en faisait un modèle unique de coexistence. Un ancien élève, qui y a étudié de la sixième à la terminale, raconte que le lycée lui a inculqué les valeurs du respect, de la tolérance et de l’amitié. Malgré les différences, les élèves s’unissaient dans un « amour mutuel », créant un environnement éducatif cohésif. Cette diversité n’était pas seulement un fait démographique, mais une composante essentielle de l’identité du lycée, qui encourageait une interaction constructive entre les cultures.

3. La formation des élites : d’Oujda au monde

Le lycée fut un creuset pour les élites qui ont marqué le Maroc et au-delà. Parmi ses diplômés figurent des personnalités éminentes telles qu’Abdelhadi Mesfioui, premier médecin marocain spécialisé en ORL, qui obtint son baccalauréat en 1945 et fut le médecin personnel des rois Mohammed V et Hassan II. Également, Jean-Paul B, diplômé de Polytechnique et président de la RATP puis de La Poste, Christian Duto, directeur général de TF1, ou encore Arascè, Marocain devenu général après des études à Saint-Cyr. Ces succès ne sont pas fortuits, mais le fruit de la qualité de l’enseignement et de l’ambition des élèves, notamment ceux d’Oujda (« les Zoudi »), qui ont défié la marginalisation en prouvant leur excellence.

Cette distinction s’explique par plusieurs facteurs : d’abord, la qualité des enseignants et des administrateurs, décrits comme « encadrants » et « productifs dans le cadre de la culture savante ». Ensuite, un environnement compétitif qui a poussé les élèves à se surpasser. Enfin, les valeurs humaines qui ont façonné leurs personnalités, comme en témoigne un diplômé attribuant sa carrière politique réussie à ce qu’il a appris au lycée.

4. La contribution culturelle : l’Association Andalouse

Le rôle du lycée ne se limitait pas à la formation académique ; il était aussi un centre culturel. En 1921, l’enseignant d’arabe Mohammed Ben Ismail fonda l’Association Andalouse, la première association musicale du Maroc, précédant celles de Rabat et Fès. Cette réalisation met en lumière le rôle du lycée comme moteur de la renaissance culturelle, contribuant à préserver le patrimoine musical andalou et à renforcer l’identité culturelle marocaine.

5. L’héritage communautaire : l’Association des anciens enseignants

Au fil des décennies, le lycée a préservé son héritage à travers des initiatives communautaires. Une association fut créée pour réunir les anciens enseignants de diverses origines, organisant des événements tels que le « rallye surprise » de Saïdia en 1967, qui rassembla plus de 600 coopérants et se conclut par un « méchoui de l’amitié ». Ces initiatives reflètent l’esprit de solidarité qui a caractérisé la communauté éducative d’Oujda et témoignent de l’engagement du lycée à renforcer les liens humains.

6. Les défis et l’avenir

Malgré son héritage prestigieux, le lycée fait face à des défis contemporains, tels que le maintien de son niveau d’excellence dans un contexte de mutations éducatives et la préservation de ses valeurs dans un monde en changement. Par ailleurs, la conservation de son « patrimoine historique » nécessite une documentation rigoureuse et des initiatives pour raviver la mémoire collective, comme le souligne le texte.

7. Conclusion

Le Lycée Omar Ibn Abdelaziz n’est pas seulement un établissement scolaire, mais un symbole d’excellence académique, de pluralisme culturel et de contribution nationale. Pendant 110 ans, il a servi de pont entre le Maroc et le monde, tout en préservant les valeurs du respect et de la tolérance. Son héritage, incarné par la formation d’élites, la création de l’Association Andalouse et la construction d’une communauté solidaire, demeure une source d’inspiration. Reste une question : comment ce lycée peut-il continuer à jouer son rôle de creuset des élites au XXIe siècle tout en préservant son identité historique ? La sauvegarde de ce patrimoine historique est une responsabilité collective, digne de tous les efforts pour qu’Oujda, et avec elle le Lycée Omar Ibn Abdelaziz, reste un phare de savoir et de culture.

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